Quiconque a un peu fréquenté les mouvements catholiques ou suivi un peu de catéchèse a pu remarquer la place importante que tient le genre du « témoignage » et la mise en scène des « témoins » dans la vie de ces mouvements. Les gens témoignent ; ils racontent leur « parcours » de chrétiens, pour édifier le groupe, pour donner l’exemple, pour en tirer une leçon, pour justement dire qu’ils ne veulent pas donner l’exemple et dire qu’il y a tellement de manière etc… Et le fidèle est lui aussi appelé à être un « témoin » – « joyeux » si possible.
Ce genre de « témoignage » est un genre
raffiné : il s’agit rarement de raconter l’histoire d’une euphorie
perpétuelle et d’un enthousiasme constamment renforcé[1]. Au contraire, le
témoignage comprend bien souvent une partie destinée à dire que bien entendu, quand on est chrétien, on
peut avoir des doutes, des difficultés, rencontrer des épisodes violents ou des
gens vraiment nuls, être révolté, y compris même contre l’Eglise, ses membres
et ses ministres. Mais toutes ces expériences dysphoriques sont alors toujours
prises en charge et mises en scène dans le cadre de l’institution. On ne saute
jamais sans filet, en somme. Le dernier mot est toujours pour l’adhésion
euphorique à l’institution ; et c’est à cette nécessaire condition qu’on est
amené à y prendre la parole.
Il nous semble qu’il y a quelque chose d’un peu biaisé dans
tout cela. Le chrétien est invité implicitement à partir du principe que ses propres
doutes, aspirations, révolte, etc. doivent être relativisés a priori. On donne le nom de « confiance »
à l’espèce de système de confusion un peu facile et peut-être un peu lâche qui
permet de se rassurer à peu de frais sur une fidélité un peu frelatée à l’institution[2]. En somme, plutôt que
d’explorer soi-même les « chemins de perdition » jusqu’au bout,
autant s’en remettre à ceux qui nous garantissent que le labyrinthe a une
sortie et qu’on peut sortir du même côté qu’eux, sans avoir à trouver soi même
le chemin pour s’en assurer.
Il nous semble, pendant ce temps là, que les points de vue
qui s’expriment de l’extérieur sur
l’Eglise tombent souvent dans des critiques générales, et pour cette raison
même assez déconnectées du genre d’expérience personnelles, dont on cultive la
mise en récit dans les rassemblements catholiques. Ce qui est peut-être une des raisons
(mais probablement pas la seule) qui permettent aux fidèles d’avoir généralement
l’impression qu’on tape à côté quand ils s’entendent dire que l’Eglise et les
milieux catholiques sont « archaïques », « rétrogrades », « moyenâgeux[3] », « intolérants »,
etc.
Face à ce double constat, il nous a parut intéressant de proposer à nos lecteurs de nous livrer des récits personnels où
il s’agirait, contrairement à la pratique instituée dans l’Eglise, de sauter
sans filet ; c'est-à-dire de raconter des histoires liées au catholicisme,
à l’Eglise ou aux catholiques sans se sentir astreints au genre de happy end
valorisé à l’intérieur de l’Eglise ; bref, en se fichant éperdument de
savoir à la fin si on reste dans l’Eglise ou si on continue à se dire « chrétien »
ou « catho ».
Il nous semblerait par exemple intéressant que des gens
racontent pourquoi et comment ils ont quitté l’Eglise ou se sont éloignés des
milieux catholiques. Ou racontent simplement une ou plusieurs anecdotes
marquante, ou significative pour eux.
L’idée est volontairement très large. Mais il nous a semblé,
en discutant autour de nous, que des tas de gens avaient des choses à raconter
sur le sujet, et qu’un certain nombre pouvaient être intéressés par l’idée de
parler de leur expérience en la matière. Certains ayant par ailleurs connu des
choses douloureuses. Nous proposons donc de laisser libre cours à toutes les
contributions. Il est bien entendu possible de contribuer anonymement. Si
certains ne se sentent pas d’écrire, nous pouvons tout à fait procéder par
interview ou entretiens. Toute proposition est bienvenue!
Pour toute question, prise de contact, envoi de contribution, vous pouvez nous écrire ici: lamauvaisefoi@hotmail.fr
[2] Pour autant que nous puissions en juger d’après notre expérience,
les formes principales de ces expériences dysphoriques sont des formes
essentiellement déficitaires :
on propose aux fidèles de s’identifier à des gens qui doutent, ou qui sont
révoltés. Ce qui pourrait éloigner de l’institution a toujours la forme du manque. Il nous semble rarissime de voir
des « témoins » parler de quelque chose de positivement incompatible
avec la fidélité à l’Eglise dont ils se seraient finalement dépris.
[3] Les auteurs de ces lignes tiennent à préciser que, pour ce qu’ils
connaissent et du Moyen Âge et de l’Eglise ils ne sauraient souscrire à l’opinion selon
laquelle l’Eglise est « moyenâgeuse ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire